Mes tristes illusions se tarissent en cette période pour le moins troublante. Berné par l'idée qu'il ne s'agit peut-être que du trois cent quatre-vingt-dix-neuvième des quatre-cent coups que ma folle jeunesse est sur le point d'achever, je chemine dans l'analogie anachronique d'une existence à dépuceler. Toujours la foutue sensation de manquer de liberté, de vouloir tester les limites de ma captivité. Et pourtant, rien ne manque plus à mon coeur indomptable que ses années où il rêvait d'être domestiqué.

J'avais bon espoir de pouvoir te charmer par la prose, exclamer d'une langueur poétique tout le bien que je sais de toi. Je venais de mouiller tes rêves, sucrer ta bouche et ta poitrine ardente. La sueur fuyait sous les draps, à bout de corps on se léchait, on regardait notre désir fulminer en nous. La moiteur du sexe nous invitait, dans une tranquille nudité, à l'exubérance d'un plaisir dont nous ne cessions de nous affranchir.  

(Photo: Craig Barnes - Backs)

Je sais que toutes ces couleurs se diffusent parmi nous. Personne ne les voit, ni ne nous en voudrait de ne pas trop y croire. Bien sûr, il y a ces mots, tous ces mots que le vent et l'eau ont poli. Un million d'écho qui résonnent dans chaque bouche, se dissout en chaque autre. Tous ces sens que nous ressentons, ces amalgames d'émotions qui, tel un tourbillon, nous engloutissent tout au fond de cet être inconnu. Et alors que tous ces gens se taisent, pour enfin se parler, quelqu'un écoute au loin, et se dit qu'il y aura, avec le temps, surement moyen de s'entendre.

(Photo: Andre Christian - eggs)

Les mots se courbent avec le temps. Peut-être se transforment-ils, mais je ne les visite plus aussi souvent. Il y a peu de temps, je croyais l'inspiration disparue dans les méandres d'une vie passée. Tourner une page de sa vie ne signifie en rien brûler le début de sa propre histoire. L'inspiration est toujours là, par contre elle devient moins éclatée, plus soutenue et diffuse, me faisant atteindre de nouveaux sommets que mon jeune coeur d'artiste n'aurait espéré atteindre. Sans cesse, dans l'amour mon inspiration s'étend aux abords d'un bonheur sans gouffres.

Avant de te rencontrer, je ne m'attendais à rien de très éclatant comme relation, en toute sincérité, peut-être ne voulais-je même pas envisager autres choses que ces blessures que mon coeur venait tout juste de cicatriser. J'avais fini par me souder aux divaguations quotidiennes que reflète ma paix intérieure.

Aujourd'hui, nous nous parlons d'aimer dans chaque baiser qui se portent entre nos bouches. Et même si ce mot ne sera peut-être jamais prononcé, sache qu'au fond de moi, tu es beaucoup plus que tout ce que j'aurais pu espérer. Tu es cette jolie femme qui ne cesse de caresser chacune de mes pensées.  

 

Ils sont si nombreux à se croiser chaque jour, à emprunter le même chemin. Ils se voient, se regardent, s'observent, se cherchent alors qu'ils ne se verront peut-être plus jamais. Dans cette marée humaine, ils se croisent pour un unique moment, et ils se quittent sans joie ni tourment.